La vision et son rôle

"Bien que la fonction voméronasale joue un rôle très important dans l'univers perceptif des serpents, c'est le sens visuel qui domine, sauf chez les espèces fouisseuses, comme les Typhlopidés et les Leptotyphlopidés, dont les yeux sont atrophiés.

 

Les serpents disposent d'un large champ visuel : 125° chez la couleuvre à collier (Natrix natrix) , 135° chez le python molure (Python molurus).

Ils bénéficient également d'une vision binoculaire, qui permet d'apprécier les distances et de percevoir le relief. Chez les serpents, le recouvrement des champs perçus par l'oeil droit et par l'oeil gauche est d'environ 30°. Il atteint 45° chez des espèces arboricoles comme les Ahaetulla, dont la pupille horizontale a une forme de trou de serrure, et dont le museau est marqué de deux dépressions qui réduisent la région nasale. Cette vision binoculaire sur un angle de 45° constitue un réel avantage adaptatif pour des serpents qui se déplacent dans un espace tridimensionnel.

 

L'oeil des serpents est généralement capable d'accommoder, c'est-à-dire de réaliser une mise au point des images qui se forment sur la rétine. Le mécanisme, original parmi les reptiles proches de celui des calmars (Céphalopodes), des requins et des amphibiens, met en jeu les muscles ciliaires à la périphérie de l'iris : leur contraction augmente la pression dans le vitré et pousse le critallin vers l'avant. Chez certaines couleuvres du genre Natrix, la face antérieure du cristallin peut aussi se déformer comme chez les mammifères. Chez les espèces marines, la vision dans l'air s'accompagne d'une diminution considérable du diamètre puppilaire, qui se réduit à la taille d'une tête d'épingle.

 

 

Pupille bien ronde chez la couleuvre diurne Asiatique "Elaphe climacophora"...

 

Les serpents semblent jouir d'une bonne vision des couleurs - du moins en ce qui concerne les espèces diurnes. De nombreuses couleuvres diurnes, à pupille ronde et cristallin jaune, ont une rétine qui ne comporte que des cônes, cellules assurant la vision colorée et fonctionnant en lumière intense. Chez Natrix (Tropidonotus), on a montré l'existence de cônes sensibles au rouge, au vert et au bleu.

 

Chez les espèces crépusculaires, le cristallin est plus pâle et la rétine contient cônes et bâtonnets, ces derniers permettant la vision en lumière faible. Chez les serpents nocturnes, enfin, la pupille est en fente verticale, le cristallin est incolore, et la rétine contient surtout des bâtonnets.

 

 

Pupille en fente verticale chez ce python de moeurs nocturnes (Morelia spilota ssp)...

 

On se gardera bien de généraliser ce schéma, qui comporte de nombreuses exceptions. Ainsi, chez les vipères d'Europe, plus diurnes que crépusculaires, la pupille est verticale et la rétine comporte à la fois des bâtonnets et des cônes de plusieurs types.

Chez les pythons crépusculaires ou nocturne, la pupille est circulaire mais la rétine contient, en plus des bâtonnets, une quantité notable de cônes.

 

Les cellules visuelles de la rétine des serpents présentent plus de diversité et de complexité que chez les autres groupes de vertébrés. Cette complexité, évidente quant à la structure des cellules visuelles (cônes et bâtonnets), s'étend probablement à leur physiologie, encore mal élucidée.

Malgré son importance, la fonction visuelle intervient rarement seule dans l'univers perceptif des serpents. Elle précède  ou accompagne souvent une autre fonction sensorielle ; chez les crotales et les pythons, elle interfère de façon très étroite avec la thermosensibilité."

 

Texte de Roland Platel

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